(Article rédigé à la demande du Groupe SOS, suite la UpConférence sur le Revenu d'Existence).
Le jour se lève à peine. Nous sommes lundi, ma semaine de travail n’a pas encore commencé. Une fois de plus, en dehors de mes heures de boulot, j’entreprends quelque chose que je considère comme essentiel, pour ma contribution au monde et aussi pour mon propre équilibre. Je le fais bénévolement, sans aucune attente du marché. Je me sens libre, dans une action juste : en vous écrivant ici, ce que je fais maintenant a beaucoup de valeurs à mes yeux et, pourtant, je n’attends aucun salaire en retour. C’est peut-être l’action la plus importante de ma semaine : merci de me lire, sans vous, cela n’existerait pas.
En ces quelques lignes, tout est peut-être déjà dit.
Pendant 150 ans, nous avons concentré nos forces de production à l’intérieur d’une société industrielle productiviste (produire toujours plus, en un minimum de temps), tendue par une économie concurrentielle capitaliste (faire fructifier le capital). Nous nous sommes focalisés à produire des biens, en masse, et à les consommer, en masse, dans un espace appelé le marché, captant, par la circulation de la monnaie, ce que l’on appelle « valeur ». Les crises actuelles nous interrogent : jusqu’où cela a-t-il été un progrès ?
En industrialisant aussi nos mécaniques de pensées, ne nous sommes-nous pas coupés de l’accroissement de « vraies valeurs » ? Jusqu’à quand aurais-je besoin de plus de biens ? Jusqu’à quand mon confort matériel me libère ? A partir de quand me ligote-t-il (ex. : avoir une télé… avoir 7 écrans connectés) ? Peut-être faudrait-il concevoir la notion de « croissance sélective » : choisir ce que nous voulons voir croitre dans la société (ex. : les productions de biens polluants, destructeurs de la nature… ou l’éducation, les soins, la santé, le développement des personnes, la valorisation de l’environnement) ? Si nous pouvons concevoir que notre courbe de besoins ne va pas s’accélérer jusqu’à l’infini, nous pouvons aussi remarquer que notre courbe de productivité suit, elle, une vitesse exponentielle (mondialisation des forces de production, mécanisation, digitalisation, robotisation, nanotechnologies…). En d’autre terme, la dynamique veut, grâce aux avancées de nos techniques, dans le domaine de la production de biens, que nous ayons moins d’efforts à fournir pour le même niveau de satisfaction. Cela veut donc dire que le progrès devrait nous libérer du temps, que nous pourrions valoriser en nourrissant des liens. Passer de l’air de la production à l’air de la relation. Dans cette nouvelle économie de liens, nous n’avons plus les mêmes besoins, ni en concurrence, ni en capitaux : tout est à réinventer !
Je suis alors très préoccupé par l’exclusion que nous vivons vis-à-vis du travail en Europe. Que ce soit le taux de chômage chez les jeunes en Espagne ou les problèmes de cotisation retraite en France, je trouve que nous créons de la détresse chez ceux à qui le marché ne sait pas garantir un « taff ». Je trouve que nous considérons le demandeur d’emploi comme une personne inadaptée à d’anciennes règles du jeu : par cette posture, nous nous attaquons insidieusement au porteur de talents qu’il est naturellement. C’est le marché qui a un problème à fournir des emplois, pas l’individu à ouvrir des activités. Dans l’économie des relations, nous sommes tous de formidables chefs de projets !
Ce n’est pas la fin du travail dont je parle. Juste une diminution naturelle de sa proportion relative dans toutes nos contributions au monde. Félicitons-nous de devoir ouvrir cette transition, en dissociant « travail subi » et « activité choisies ». La question majeure devient alors de décorréler aussi « revenus » et « activités ». Je pense que nous aurons tous des activités : il convient de nous aiguiller d’une économie des biens vers une économie des liens. De formidables espaces se découvrent alors. L’instauration d’un revenu minimum pour exister, sans condition (appelé revenu de base, revenu d’existence, dividende universel) pourrait aider chacun d’entre nous à répondre à ses besoins primaires pour se consacrer, de manière choisie, à l’expression de ses talents pour le monde. Notre carrière serait alors une trame, mêlant, à différents moments de notre vie, activités dans le secteur marchand, activités bénévoles pour des associations, activités familiales, formations ou temps méditatifs (ce que nous voulons en fait)… soutenus par des revenus différents… mais sécurisés tout du long par un revenu minimum me permettant de ne plus me poser la question de la survie.
Cette utopie est déjà en marche ! Je vous invite à approfondir ce thème sur www.revenudebase.info et à signer l’Initiative Citoyenne Européenne : des dizaines de milliers d’Européens s’organisent pour que nous puissions lancer des expérimentations. Comme le dit l’Institut des Futurs Souhaitables : « Au pire, ca marche ! ».
PS : Merci à François Plassard sur cette vidéo... appelant le "Temps des Talents".
Le temps des talents from Les Zooms Verts on Vimeo.
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